STRESS ET COLERE : MIEUX COMPRENDRE LA COLÈRE
Quel lien existe-t-il entre le stress et la colère ?
Pourquoi les accès de colère sont-ils si difficiles à réguler, tant chez l’enfant que chez l’adulte et que pouvons-nous faire ? C’est ce que nous allons voir ensemble.
Les lecteurs de ce magazine connaissent bien l’importance du système nerveux autonome dans les affections physiques. Ce dont nous parlons moins souvent c’est l’impact de ce dernier sur notre humeur et plus particulièrement sur l’état colérique.
Nous proposons ici un regard physiologique de la colère, basé sur l’action du système nerveux autonome.
Pour rappel, le système nerveux autonome est à la base de la plupart des mécanismes du métabolisme tant physiologique que pathologique de notre corps. Il est constitué de deux parties antagonistes et complémentaires : le système sympathique et le système parasympathique.
Le système sympathique permet au corps de réagir le plus rapidement et le plus efficacement possible à un danger extérieur en accélérant tous les mécanismes d’adaptation du corps.
Le système parasympathique, quant à lui, a pour fonction principale de mettre le corps au repos, d’entamer les processus de récupération et de régénération lorsque toutes les conditions extérieures sont à nouveau favorables.
Quand nous faisons face à un danger, le système nerveux autonome croit que nous sommes en danger. Le danger peut être réel, si je me trouve par exemple confronté à un animal sauvage ou bien que je suis perdu dans un environnement hostile. Mais il peut aussi être « virtuel » car le cerveau identifie toute situation de stress à un danger. Ainsi un licenciement, un divorce et même une dispute peuvent être pour notre cerveau ancien synonyme de danger et donc déclencher les mêmes réactions de la part du système nerveux sympathique.
Il adopte alors instantanément une des trois réactions de survie qu’il connaît : la fuite, l’attaque ou le figement.
À noter que le stress peut résulter d’un sentiment d’impuissance face à une situation perçue de l’extérieur comme étant assez banale.
Prenons l’exemple d’un comportement qui nous irrite chez l’autre, notre conjoint ou notre enfant. Lorsque ce comportement éveille en nous un sentiment d’impuissance, c’est très souvent parce que ce comportement fait écho en nous. Il se peut qu’il nous rappelle une situation douloureuse de notre passé, qu’il évoque une émotion que nous n’arrivons pas à gérer ou bien qu’il réveille une peur profonde. Notre système limbique (siège de nos émotions) et notre système nerveux autonome commencent à entrer en état d’alerte puisqu’il s’agit pour eux d’une situation synonyme de danger.
D’autres facteurs peuvent bien sûr amplifier le stress et nous rendre plus sensible à celui-ci. La fatigue, nos besoins nos remplis sur le moment, les préoccupations qui occupent notre esprit sont autant d’éléments qui vont catalyser notre réaction de stress.
1. Toujours est-il que le système nerveux autonome fonctionne alors sur la prédominance du système sympathique. Notre coeur s’accélère, nous pouvons ressentir une pression thoracique ou abdominale, une sensation de « bouillonnement » intérieur, une gêne respiratoire, une tension dans nos muscles des bras et des jambes, ainsi qu’une multitude d’émotions plus ou moins désagréables.
Tout ceci résulte d’un « shoot » d’adrénaline et de noradrénaline dans notre corps qui croit devoir faire face à un danger bien réel.
La meilleure chose à faire dans cette phase du stress est très certainement de regarder l’émotion qui surgit et de l’exprimer, par le corps si possible. Il est également bon d’évacuer la tension physique et psychique par le sport ou des exercices physiques. Enfin, nous pouvons observer, sans résistance, les sensations dans notre corps car souvent elles s’apaisent alors d’elle-mêmes.
2. Si la situation s’arrange, nous trouvons alors le calme et le corps peut s’apaiser rapidement. Néanmoins, si le déclenchant extérieur perdure, s’amplifie ou bien si d’autres éléments viennent s’ajouter à notre impuissance, un seuil physiologique « critique » est atteint et à ce moment nous sommes presque totalement en proie aux réactions du système sympathique. Si c’est la réponse d’attaque que celui-ci choisit, nous entrons dans un état de colère. Bien souvent nos sentiments d’impuissance font alors écho à des situations où nous ne trouvons pas notre place, ressentons de l’injustice ou du jugement, voire de l’humiliation.
Le néocortex est en partie « déconnecté » puisque notre cerveau gère en priorité l’urgence, c’est-à-dire faire face au danger. Ceci explique pourquoi sur le moment nous n’arrivons plus à raisonner de manière logique et rationnelle.
Autrement dit, la colère est une manifestation de la réponse d’attaque de notre système nerveux autonome pour faire face à une situation de stress face à laquelle nous nous sentons impuissants.
À ce moment, tenter de raisonner est souvent vain. La meilleure chose à faire est de se placer au niveau de notre système nerveux autonome en l’aidant par le biais du corps à traverser le plus rapidement possible cet état de stress. Il est bon de s’isoler de manière temporaire pour mettre de la distance entre nous et le déclenchant du stress si possible. Nous pouvons alors prendre une douche très froide, faire un exercice physique intense ou bien des exercices de respiration profonde.
Lorsque la colère survient chez notre enfant, la meilleure chose à faire est de lui permettre de se sentir rassuré en le prenant dans nos bras et de faire notre possible pour répondre à son besoin. Il sera toujours temps de revenir sur la situation par la suite, lorsque son néocortex sera à nouveau « opérationnel ».
Enfin, si nous sommes en proie à de forts accès de colère de manière répétée, c’est que notre cerveau a adopté cette réaction comme stratégie « de choix » face aux situations où nous ne trouvons pas notre place et ressentons de l’injustice et de l’humiliation. Puisque le système nerveux autonome ne connait que le plaisir et la douleur, il va constamment chercher à reproduire ce qui a été positif et à éviter ce qui a été négatif. Aussi longtemps qu’il associera cette stratégie comportementale à quelque chose de positif, il la répétera. Il est alors parfois nécéssaire de le forcer à la « désapprendre » en l’associant à un stimulus négatif. Par exemple en se pinçant le bras dès qu’on voit qu’elle surgit en nous. On peut appeler cela « rayer le disque » car on permet à notre système nerveux autonome d’arrêter de répéter en boucle un fonctionnement, un « pattern », qui a peut être eu son utilité à un moment donné dans notre passé mais qui ne nous satisfait plus aujourd’hui.
Avec la répétition, lorsque cette situation de stress se présentera à nouveau, il y réfléchira à deux fois avant de déclencher à nouveau cette réaction de manière automatique.
3. Lorsque la situation s’arrange ou bien que nous relâchons le stress intérieurement, le corps entame alors une phase de récupération grâce au système parasympathique. Nous ressentons un soulagement, un sentiment de mieux-être et éventuellement de la fatigue.
C’est à partir de ce moment que nous pouvons à nouveau raisonner avec notre néocortex et analyser « à froid » ce qu’il s’est passé : chercher à comprendre en quoi le comportement ou la situation a fait écho en nous, en quoi nous avons ressenti de l’impuissance, de l’injustice ou de la dévalorisation. N’oublions pas que la situation nous rappelle parfois une situation passée qui peut remonter à notre enfance et en cela suffire à déclencher le stress.
C’est aussi à ce moment que nous pouvons aller vers l’autre, éventuellement présenter nos excuses et expliquer notre comportement pour que chacun puisse grandir à travers l’apprentissage de ces accès de stress et de colère.
Cette explication du stress et de la colère en plusieurs phases à la lumière du fonctionnement des systèmes sympathique et parasympathique nous permet également de comprendre d’autres phénomènes fréquemment décrits :
Les « crises nocturnes » ou de relâchement chez l’enfant :
Pendant la phase de relâchement d’un conflit, le corps exprime une « crise épileptoïde », du à un « ressaut » bref mais intense de tonus du système sympathique. Les symptômes apparaissent alors à nouveau de manière accentuée mais de manière plus ou moins fugace. De la même manière, lorsque que nous avons fait face à un gros stress ou que nous nous sommes mis en colère, le relâchement peut voir apparaître une « décharge » émotionnelle. Celle-ci survient le plus souvent dans les heures qui suivent le relâchement, le soir ou dans la nuit. Il s’agit là d’une relecture brève mais intense du stress vécu.
Les parents connaissent bien ce phénomène lorsqu’ils retrouvent leur enfant après l’avoir fait garder par exemple. Le climat rassurant de la maison familiale et des parents permettent le relâchement. Il n’est alors pas rare de voir une « crise » apparaître « sans raison apparente » dans la soirée voire dans la nuit qui suit la garde ou bien l’épisode de stress.
N’oublions pas non plus que la formation du néocortex n’est aboutie que vers 25 ans, nous ne pouvons donc pas attendre de nos enfants et adolescents la même analyse et la même compréhension entre leur vécu d’une part et leurs réactions émotionnelles et comportementales d’autre part.
Le recours à la cigarette ou au café face au stress :
De la même manière que le sport va amplifier le tonus du système sympathique et donc le relâchement parasympathique par la suite, le café, par son action sympathomimétique va rapidement accroître les réactions au niveau du corps de l’adrénaline et de la noradrénaline pour ensuite, par réaction de compensation, accélérer et amplifier le relâchement parasympathique et la sensation de bien-être qui en résulte.
La cigarette, quant à elle, par son action parasympathicotonique va également être une « solution » facile et rapide, bien que passagère, pour aider le système nerveux autonome à retrouver son tonus habituel et donc abaisser la sensation de stress.
Quelles conclusions pratiques pouvons-nous tirer de ceci ?
Il est important de retenir que le stress que nous ressentons et en quelque sorte un signal d’alarme de notre corps qui nous dit que notre système nerveux autonome perçoit un danger. La colère étant une manifestation de la réponse d’attaque de notre système nerveux autonome pour faire face à une situation de stress face à laquelle nous nous sentons impuissants, souvent dans un climat où nous ne trouvons pas notre place, ressentons de l’injustice et de l’humiliation.
Selon la phase de stress dans laquelle nous nous trouvons, nous pouvons agir très concrètement :
Lorsque nous sentons monter le stress : regardons et exprimons l’émotion qui surgit en nous, observons les sensations corporelles afin qu’elles puissent s’apaiser naturellement, répondons le plus possible à nos besoins et évacuons le stress tant qu’il est « gérable »
Lorsque le « seuil critique de tolérance » est atteint et que nous entrons dans un état colérique, passons par le corps puisque notre néocortex est en partie « déconnecté ». La colère étant une réaction d’attaque souvent stérile, prenons de la distance avec le déclenchant du stress, prenons une douche froide, faisons un exercice physique ou des exercices de respiration profonde. Enfin, signalons éventuellement à notre système nerveux autonome que cette réaction est aujourd’hui inadaptée en l’associant à un stimulus négatif ou douloureux (pincement).
Lorsque le calme est revenu et que le néocortex est à nouveau opérationnel, nous pouvons faire les liens nécessaires pour mieux comprendre nos réactions et ainsi passer d’un comportement ou « je réagis » à un comportement où « j’observe et j’agis ». Ainsi, notre communication, nos relations à l’autre et notre estime et connaissance de nous-même en sortent grandis. Gardons en tête qu’une éventuelle « décharge émotionnelle » pendant cette phase de relâchement peut apparaître, qui n’est autre qu’une brève mais intense relecture du stress par notre système nerveux autonome.
Wyane FRISEE
Cet article a été écrit pour le magazine Néosanté, tous les droits reviennent donc à Néosanté Éditions.
Références :
Réveiller le tigre - Peter. A. Levine
L’éloge de la fuite - Henri Laborit
Je ne veux plus fumer - Dr. David O’Hare
Au coeur des émotions de l’enfant - Isabelle Filliozat
Comment obtenir la coopération de son enfant - Emma Lagarrigue